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20
mars
La reprise d'une entreprise à la barre des tribunaux de commerce, interview d'Eric Galdéano, président de EG Opportunités.

La reprise d'une entreprise à la barre des tribunaux de commerce, interview d'Eric Galdéano, président de EG Opportunités.

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Eric, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre expérience ?

Eric Galdéano :
Bonjour, j’ai toujours évolué dans le contexte des entreprises en difficulté. Longtemps comme collaborateur d’administrateur Judiciaire, puis comme conseil indépendant sur le sujet et en même temps comme dirigeant d’un cabinet de manager de transition.

Avec les crises régulières j’ai pu accompagner des milliers d’entreprises pour la renégociation de leurs dettes soit dans le cadre amiable soit dans un cadre plus judiciaire de procédures collectives.

Depuis de nombreuses années notre cabinet intervient pour la cession d’entreprises en difficulté pour accompagner des acquéreurs ou leur signaler des opportunités de croissances externes.

Est-ce que les procédures de reprise à la barre ont évolué au fil du temps ?

Bien sûr que oui ! Avant il y a bien longtemps, la procédure visait à éliminer de fait celui qui ne faisait pas face à ses engagements commerciaux ou financiers. C’était compliqué d’annoncer qu'on ne pourrait pas payer ses dettes pour telle ou telle raison. Avec les crises l’approche a beaucoup évolué pour non pas punir ou être exclu mais pour aider l’entrepreneur .

Ça avait déjà commencé avec la loi de 1967 , et cette approche s’est concrétisée avec une loi de 1985 qui a été suivie par d’autres lois qui visent à maintenir les activités économiques, les emplois qui y sont attachés.

A noter que le métier de syndics de faillite a ainsi été bouleversé à partir du 1er janvier 1986 qui a vu la disparition du métier et la création du métier à part entière d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire qui à la fois assume la représentation des créanciers ou assume le métier de mandataire liquidateur.

Quelles sont les conditions légales nécessaires pour qu'une affaire soit reprise à la barre ?

Une chose importante à dire c’est que chacun peut émettre une offre de reprise d’activité d’une entreprise en Redressement Judiciaire ou en liquidation Judiciaire.

La loi a prévu un certain nombre de points qui doivent figurer dans l’offre. Ce n’est pas le plus compliqué  si on a un projet puisque ces points sont les minimums à travailler pour toutes reprises comme par exemple :

  • La présentation des repreneurs
  • La désignation des biens et contrats repris
  • Le prix  et les conditions de règlement voire les garanties offertes
  • Les prévisionnels d’exploitation, de financement
  • Les modalités de financement
  • Les emplois repris et les perspectives d’emplois
  • La date de réalisation de la vente
  • Les prévisions de vente  d’actifs acquis avec le plan...

Bref que du nécessaire pour soi quand on crée ou reprend une entreprise

Comment la décision de reprendre une affaire est-elle prise par les juges ou les tribunaux ?

Le Tribunal examinera alors chaque offre reçue dans le délai que l’administrateur judiciaire a fixé. Il les évaluera en fonction essentiellement de l’emploi conservé et du prix offert. La bonne réalisation de la reprise passe évidemment aussi sur les capacités du repreneur sur le plan des compétences professionnelles , et sur les moyens financiers apportés pour réussir la reprise. Le Tribunal regardera ça avec la plus grande attention.

Comment se déroule une reprise à la barre ?

On a deux difficultés :

  • L’information 
  • Le délai

Ce qui est le plus difficile à obtenir c’est l’information pour savoir que telle ou telle entreprise est en procédure collective puis être informé de la publicité faite par l’administrateur judiciaire qui indique que telle entreprise est en redressement judiciaire et qu'il recherche un repreneur.

La seconde difficulté réside dans les délais de remise des offres à l’administrateur qui sont souvent très courts. . On peut dire qu’un mois c’est très fréquent.

Donc en un mois,  il faut avoir vu la publicité de la vente  , puis,  solliciter l’accès à la data room après souvent avoir montrer ses capacités à acquérir.

Une fois l’accès à la date room, tout n’est pas réglé . Il reste à  récupérer les informations complémentaires qui sont nécessaires pour établir un état réel de l’actif à reprendre, avec les contrats nécessaires à l’activité mais surtout les informations nécessaires  pour établir un prévisionnel  , comme l’état des encours de production, le carnet de commandes et la marge dégagée, espérée  par commande, outre  le  problème tout comme le détails des acomptes reçus…

Tout repreneur  doit voir midi à sa porte et ne pas s’obliger à reprendre comme s’il était en compétition. Donc à  partir de là, on peut rédiger une offre qui ne pourra pas retirer ni réduite avant que le Tribunal statue.

Dès le dépôt de l’offre on va continuer à récupérer des informations pour éventuellement améliorer l’offre jusqu’à, disons 72 h avant l’audience du tribunal. Souvent on sera amené à rencontrer pour la première fois l’Administrateur judiciaire et quelquefois le juge commissaire.

Je passe aussi sur les réunions avec les organes qui représentent les salariés qui sont indispensables ou l’encadrement .

Faut-il disposer de sommes d’argent immédiatement disponibles ?

La réponse est oui ; Il faut donner au Tribunal les garanties sur le règlement du prix et sur le financement de l’activité. Il convient d’obtenir tout cela dans un délai très court.

Quand on a déjà une entreprise, on connaît son environnement bancaire donc ça sera plus simple . L’idéal est de disposer de la trésorerie sur ses comptes pour financer l’acquisition et le BFR qui au début ne sera pas normatif sauf exception.

Outre le prix d’acquisition on peut dire qu'il faut au moins en trésorerie 3 mois de frais fixes

Y a-t-il des frais supplémentaires à envisager lors d’une reprise ?

Les frais sont les frais liés à la création d’une société nouvelle par exemple et les frais d’enregistrement, la reconstitution des garanties vis-à-vis du bailleur par exemple. On peut aussi s’engager à reprendre les congés payés acquis par les salariés repris dans le cadre de l’offre.

Doit-on reprendre le personnel ?

L’aspect social est un élément important de l’offre puis de la décision ultime du Tribunal et il convient donc d’être attentif à la poursuite du maximum d’emplois étant entendu que ces emplois repris doivent correspondre à l’activité attendue.

Quels sont les arguments en faveur et contre la pratique de la reprise à la barre ?

J’ai évoqué toutes les embûches pour émettre une offre de reprise à savoir l’information et les délais.

Il n’en reste pas moins que nous avons un peu moins de 60 000 procédures collectives par an.

Une entreprise peut être en difficulté pour de multiples raisons :

  • Commercial
  • Produits
  • Organisation de la production
  • Impayés
  • Manque de fonds propres et de financement
  • Mauvaise gestion bien sûr.

Il s’agit à chaque fois d’un ensemble de savoir-faire, d’équipe, d’outils capable de créer de la richesse. Voir tout ça disparaître est une aberration et une perte de temps, d’emplois, d’argent. Il faut comprendre les difficultés et redonner du souffle à l’entreprise.

Reprendre une entreprise en difficulté ça peut faire peur mais en plan de cession on ne reprend pas les dettes sauf exceptions bien définies.

Ainsi donc on reprend du jour au lendemain une entité économique qui fonctionne avec son matériel, son équipe, son savoir-faire, son carnet de commandes. En général on reprend pour un prix relativement faible faute de candidats informés. Le taux de réussite est donc particulièrement important à 5 ans. (4 sur 5). Dans notre cabinet les échecs sont très très rares.

Aujourd’hui quelqu’un qui crée son affaire a 3 chances sur 5 de disparaître, 1 chance sur 5 de vivoter. Il en restera un. En cas d’acquisition par LBO, on évalue l’entreprise sur l’EBE réalisé les dernières années. On doit financer la reprise et on travaille au règlement de la dette de LBO. La reprise d’entreprises en difficulté est plus simple malgré les inconvénients cités tout à l’heure.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui fait face à une reprise à la barre ?

Le premier conseil est de se consacrer à 100 % sur la reprise pendant le délai très court qui nous est imposé. Le deuxième est de connaître le métier exercé par l’entreprise ou voir les synergies avec sa propre activité. 

Le troisième est de disposer de la trésorerie immédiatement pour saisir l’opportunité

Le dernier conseil est d’avoir une équipe interne aidée par des conseils externes habitués à ce genre de problématiques pour être informé puis établir l’offre.

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